Il y a 20 ans, le CRUFC écrivait l’une des plus belles pages de l’histoire du football amateur en Coupe de France. Jusque la date anniversaire de la finale face au FC Nantes (le 7 mai 2000), nous allons revenir chaque week-end sur les exploits marquants de « l’épopée » calaisienne. Premier épisode avec le 8e tour face au voisin dunkerquois.
Alexis Petit | Publié le22/03/2020
Calais-Dunkerque, 17 décembre 1999 : l’affiche de ce 8e tour de Coupe de France s’annonce équilibrée et prometteuse. Les deux voisins naviguent à vue en championnat de CFA (une longueur d’avance pour Dunkerque) et ont partagé les points quelques semaines plus tôt, au terme d’une confrontation houleuse et marquée par un penalty des Calaisiens arraché à la dernière minute (1-1). « Pour moi, le déclic est intervenu lors de ce match », confie Fabrice Baron. Plus tôt dans la saison, le défenseur calaisien peine en effet à reconnaître son équipe, défaite trois fois de suite à domicile : « On sort d’une saison où on échoue aux portes de la montée en National. Il y a peut-être eu un peu de relâchement, un contrecoup. » Des incompréhensions internes plombent aussi le collectif. « Les plus anciens regrettaient par exemple que le groupe ne se retrouve pas ensemble à la buvette après les matchs », ajoute-il. Les joueurs décident alors de se réunir pour mettre les choses à plat. « Après ça, les choses ont été différentes : le fait de partager, passer plus de temps ensemble et se connaître en tant qu’hommes a été très bénéfique. C’était un moment fédérateur. » Sur le terrain, le changement d’état d’esprit est palpable et les Calaisiens se remettent à gagner à l’approche de la trêve hivernale.
Au bord du dépôt de bilan, le CRUFC est sous pression
Si le CRUFC a relevé la tête sur le terrain, il reste au bord du gouffre en coulisses. Sur le plan financier, le club est à l’agonie, au point qu’une qualification pour les 32e apparaît indispensable pour éviter le dépôt de bilan en fin d’année. À ce contexte pesant vient s’ajouter une nouvelle tragique à quelques jours du match : la disparition de « Pépé » Rosa, intendant et figure emblématique de l’USLD. « Cette épreuve nous a soudés », se rappelle Baron, l’un des membres de la clique Dunkerquoise (avec Hogard, Deswarte, Baron et Lestavel) évoluant sous les couleurs du CRUFC. Son équipe peut en revanche compter sur le public du stade Julien-Denis, en attente de la première grande émotion de la saison, « ça commençait à bien gronder, il y avait 2000 personnes mais on avait l’impression d’être 5000. » Dans ces conditions, Calais est attendu, sous pression. Mais il peut aussi s’appuyer sur une expérience et une culture de la coupe supérieure à son adversaire.
« Une première mi-temps de rêve »
Ce soir-là, il n’y aura qu’une seule équipe sur le terrain. Le CRUFC entame la rencontre tambour battant : par deux fois en dix minutes, le défenseur central Fabrice Baron, né à Dunkerque, vient placer un coup de tête imparable (3e, 9e). « L’entame de match nous donne ce sentiment que rien ne peut nous arriver, raconte le buteur calaisien. C’était une évidence, la confiance était déjà installée depuis ce fameux match de championnat. » Son doublé vient aussi confirmer la force des siens sur coups de pied arrêtés. Le week-end précédent, Ladislas Lozano est dans les tribunes du stade Marcel-Tribut pour observer Dunkerque en championnat face à Saint-Omer. L’entraîneur calaisien identifie clairement les phases arrêtées comme un secteur défaillant chez les Nordistes. Il voit juste. Son équipe insiste et Mickaël Gérard vient lui donner une nouvelle fois raison avant la mi-temps. Sur un corner mal dégagé par la défense, l’attaquant calaisien plie le match (3-0, 35e). « Nous avons accompli une première mi-temps de rêve et même si les buts sont venus sur coups de pied arrêtés, ils sont l’expression d’une efficace pression collective », confiera Lozano après la rencontre. Le but d’Hogard en toute fin de rencontre, sur corner évidemment, donne un peu plus de relief à la performance du CRUFC (4-0, 92e). Mais ce que l’on retient en tribunes ce soir-là, c’est l’enthousiasme retrouvé et le style de jeu imprimé par l’équipe : un pressing haut, une défense qui avance et une volonté permanente de fermer les espaces.
« On ne va pas la gagner cette Coupe ! »
À l’issue du match, le journaliste Bruno Verheyde choisit ces mots dans les colonnes de la Voix du Nord : « Il y avait une montagne de motivation et de talent entre les deux équipes. Les hommes du CRUFC ont mangé les Dunkerquois. Bobby Brown (NDLR : l’entraîneur de l’USLD) doit encore se demander comment son équipe va se remettre d’un tel naufrage. »
Calais a frappé fort. Il empoche le derby et s’ouvre la voie des 32e de finale, une première depuis 1984. Le CRUFC est aussi l’un des trois derniers clubs de la région, avec Lens et Lille, encore en lice dans la compétition. « On voulait tirer un gros pour une belle affiche ou une équipe moins forte que nous sur le papier pour avoir une chance de passer », se souvient Fabrice Baron. Ce sera finalement Lille, futur champion de D2. Un autre moment fort de l’épopée. « On ne savait pas où tout ça allait nous mener, ironise le héros du soir. Je disais toujours aux gars : On ne va pas la gagner cette Coupe ! »
À suivre…
CALAIS (CFA) – DUNKERQUE (CFA) : 4-0 (3-0) Arbitre : M.Sergeant Stade Julien-Denis à Calais 1700 spectateurs environ Buts : Baron (3e, 9e), Gérard (35e) et Hogard (90+2e) Pour le CRUFC : Schille – Merlen (Boulanger, 77e), Lestavel, Baron, Deswarte – Canu (cap. Hogard, 65e), Lefebvre, Becque, M.Vasseur, Millien (Dutitre, 62e) et Gérard. Entraîneur : Ladislas Lozano Pour l’USLD : Vitse – Cissokho, Halifa, Persoon, Degroise (Mamtez, 84e) – Brygo, Gautier (cap), Denquin – De Pina, Raffetto (Dante, 75e) et Simon (Jabi, 46e). Entraîneur : Bobby Brown
1/7 : Le week-end prochain, retrouvez le deuxième épisode de notre série consacrée aux 20 ans de l’épopée (7 volets). Au programme : retour sur le 32e de finale entre le CRUFC et le LOSC. Le premier grand exploit de l’aventure calaisienne.
Avant Dunkerque, des pièges évités et «un rêve qui se poursuit»
La qualification du CRUFC aux dépens du voisin dunkerquois est le premier grand frisson de l’épopée calaisienne. Mais l’aventure, elle, a commencé bien plus tôt. Le 10 octobre 1999 exactement, sur la pelouse champêtre de Campagne-les-Hesdin, une modeste équipe de première division de district. Là, dans l’anonymat d’un quatrième tour de Coupe de France, le CRUFC y faisait le métier avec rigueur et implication (10-0), « en respectant l’adversaire », selon les mots de Lozano. Au coup de sifflet final, le club du Montreuillois est conscient d’avoir été battu par plus fort que lui. Mais il n’imagine pas une seule seconde qu’il vient de tomber face au futur finaliste de la compétition.
Au tour suivant, les Calaisiens assument encore leur statut de favori sur le terrain de Saint-Nicolas-lez-Arras (3-1), une formation évoluant en Interrégionale, dernier échelon de Ligue. Sans artifices mais avec sérieux. L’issue du match ne fait plus de doutes dès la demi-heure de jeu après le but de Réginald Becque, le seul du capitaine sur les dix matchs menant les siens au Stade de France.
Les deux tours suivants se font dans la douleur. La belle histoire, que personne n’est en mesure de soupçonner, vacille dangereusement au mois de novembre. Les Calaisiens s’imposent d’abord dans la douleur (2-1) à Marly-les-Valenciennes (CFA2, l’équivalent de la N3 aujourd’hui) « où bon nombre d’équipes de CFA auraient chuté », confiera Lozano après la rencontre. Vingt jours plus tard, Jérôme Dutitre, de nouveau buteur décisif, sort les siens d’une passe piégeuse similaire face à Béthune (1-0) , autre pensionnaire de CFA2. « Le résultat est plus important que la manière ce soir, avoue alors le coach calaisien. Le rêve se poursuit. » En réalité, il ne faisait que commencer.